LA BIBLIOTHÈQUE RUSSE ET SLAVE

 LITTÉRATURE RUSSE - ÉTUDES

 

 

Romain Rolland

1866 – 1944

 

 

 

 

LÉNINE :

L’ART ET L’ACTION

 

 

 

 

1934

 

 

 

 

 


Article paru dans Europe, n° 133, 1934.

 


 

 

 

 

 

 

LÉNINE est tout entier, à tous les instants de sa vie, dans le combat. Tout ce qu’il pense a été vu de son observatoire de chef d’armée, dans le combat, pour le combat. Il réalise en lui, comme nul autre, l’heure historique de l’action humaine qu’est la Révolution prolétarienne. Rien ne l’en distrait. Aucune préoccupation personnelle. Aucune relâche de l’esprit. Aucun dilettantisme de pensée. Aucune hésitation ne l’effleure, aucun doute. C’est ce qui a fait sa force et la victoire de la cause qu’il incarnait.

Toutes les énergies de l’esprit : l’art, la littérature, la science, il mobilise tout pour l’action — jusqu’aux courants élémentaires, jusqu’aux profondeurs subconscientes de l’être, — jusqu’au rêve :

« Rêve... j’ai dit ce mot : « Il faut rêver », et je m’effraie », a-t-il écrit ironiquement. « Je me suis vu au Congrès du Parti, et en face de moi les camarades... Et voilà que se lève, menaçant, le camarade « un tel », et qu’il me dit : — « Permettez-moi de vous demander si la rédaction autonome du parti a le droit de rêver, sans avoir demandé l’autorisation des Comités du parti ! » — Et après luise lève, plus menaçant, le camarade « un autre tel » : — « Je vais plus loin, je demande si, en général, un marxiste a le droit de rêver, s’il n’oublie pas que, selon Marx... etc. » — À la seule idée de ces questions terriblesj’ai le frisson et je cherche où me cacher... J’essaierai de me cacher derrière Pissarev[1] : — « Il y a deux sortes diverses de discordance entre le rêve et le réel. Mon rêve peut devancer la marche naturelle des événements ; ou bien il peut se jeter tout à fait de côté, là où aucune marche naturelle des événements n’arrivera jamais. Dans le premier cas, le rêve n’est pas mauvais, le rêve est bon, il peut soutenir et renforcer l’énergie. Il n’y a rien en lui qui paralyse ou qui dévie la force de travail. Tout au contraire ! Si l’homme était privé de la faculté de rêver ainsi, s’il ne pouvait parfois courir en avant et contempler par l’imagination l’œuvre complète, qui commence à peine à se former sous ses mains, comment pourrait-il entreprendre et mener à leur fin lointaine la vastitude épuisante de ses travaux ?... Rêvons, mais à la condition de croire sérieusement en notre rêve, d’examiner attentivement la vie réelle, de confronter nos observations avec notre rêve, de réaliser scrupuleusement notre fantaisie !... » — « Il faut rêver, reprend Lénine. Et cette sorte de rêve est malheureusement trop rare dans notre mouvement, par le fait de ceux-là mêmes qui s’enorgueillissent le plus de leur bon sens, de leur exacte approximation des choses concrètes[2]. »

Ainsi rêvait Lénine, il y a trente ans, aux jours les plus sombres du tsarisme, quand le mouvement ouvrier ne faisait que naître. Ainsi son rêve était action.

On a connu, dans l’histoire, des maîtres de l’action, des chefs de peuples, qui faisaient deux parts de leur vie : l’une pour l’action, l’autre pour le jeu de la pensée ; et celle-ci leur était une évasion de l’action. Un des exemples, le plus grand peut-être, de ce type d’hommes, fut Jules César. Quand il agissait, il était tout entier dans son action (et quelle action !) Mais il lui fallait, comme aux hommes d’État anglais, son week-end ; il faisait alors relâche dans le beau penser, dans le beau parler, les entretiens avec Cicéron. C’est qu’il était, ce conquérant de Rome et des Gaules, c’est qu’il restait, au fond, un dilettante, pour qui l’action elle-même était un jeu, le plus grand jeu, le plus digne d’un homme vraiment homme, vraiment Romain — mais tout de même un jeu, c’est-à-dire, au fond, une illusion.

Pas d’illusion, pour Lénine ! Pas d’évasion dans l’illusion ! Il a un sens du réel, puissant, permanent, sans entr’acte. Et ceux qui ne l’ont pas et qui s’évadent de l’action provoquent chez lui un rire muet, fait de goguenardise, d’ironie, de pitié bonhomme et d’un peu de mépris — comme en aurait un homme robuste pour des messieurs d’âge et de poids, mais d’esprit infantile.

Ce sens du réel, il le porte aussi dans le rêve de l’art. Il aime l’art, il est bien loin de s’en désintéresser, comme certains l’ont prétendu[3]. « Il connaît à fond et aime les classiques. » Il lit et relit Tolstoy, il s’en délecte, il en est fier, comme d’un compagnon de race et de pensée[4]. S’il s’avoue incompétent à juger de la nouvelle poésie, il est assez intuitif pour sentir en Mayakowsky un allié et pour applaudir à ses cinglantes satires politiques[5]. Et comme il est pris par la musique ! Avec quelle passion il est capable de l’écouter ! Qui peut oublier ses paroles enflammées sur l’Appassionata de Beethoven[6] ? Il l’aime tant, il la sent si intensément qu’il doit se défendre pour échapper à son emprise[7]... Certes, il connaît le rêve de l’art ! Mais dans le combat, qui est sa loi et son destin, il veut que le rêve de l’art soit, comme le sien, une force et un soutien pour le combat, qu’il participe toujours à l’action.

Et, de fait, l’art est toujours mêlé au combat de son époque, même quand il prétend s’en retirer, quand il se pare de cette étiquette enfantine : « l’art pour l’art ». Cette étiquette est menteuse. Le seul fait de se retirer de la bataille est, qu’on s’en rende compte ou non, se laver les mains, comme Pilate, de l’iniquité sociale ; c’est laisser la place aux oppresseurs et tacitement se prêter à l’écrasement des opprimés. Ainsi que Krylenko le démontrait, le 9 novembre, à la veille de la ruée sur Petrograd des écraseurs de la Révolution, dans l’assemblée des broneviki[8] : — « On vous demande de rester neutres, quand les junkers et les Bataillons de la Mort, qui ne sont jamais neutres, nous fusillent dans les rues[9]... » Rester neutres, c’est leur dire : — « Mais comment donc ! Messieurs, fusillez ! » Il faut être franc. La très grande majorité des écrivains bourgeois qui se disent a-politiques, ne le sont pas, par le seul fait qu’ils n’éprouvent aucun besoin de renverser un ordre bourgeois, dont au fond du cœur ils désirent conserver les privilèges d’amour-propre, sinon d’argent, qui leur sont astucieusement accordés, afin de mieux les domestiquer. Ils ne le défendraient pas par les armes, parce qu’ils ne sont pas très braves, par métier, et qu’ils veulent conserver leurs mains blanches. Mais, sans se l’avouer, ils sont du côté des fusilleurs. On l’a bien vu, après la Commune de Paris, quand Dumas fils, Francisque Sarcey — (pour ne point parler, hélas ! de plus grands qu’eux) — s’étranglaient à aboyer contre le gibier pantelant de M. Thiers et du marquis de Galliffet...

Comme l’écrit Lénine, dans des articles de 1905, tant que nous vivons dans une société de classes, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de point de vue qui ne soit pas de classes, dans toutes les manifestations de l’esprit. Que la littérature le veuille ou non, elle est soumise aux intérêts et aux passions de la lutte sociale, elle n’est pas libre et elle ne peut pas l’être de l’influence d’une classe ; tout est soumis aux influences des classes en lutte, et principalement à l’influence de la classe dominante, qui dispose des moyens les plus prenants et les plus variés, pour persuader ou pour contraindre. Même les plus grands des écrivains, les très rares qui, par leur énergie de caractère, soient (ou pensent être) indépendants des préjugés et de l’opinion despotique qui gouvernent la société de leur temps — même ces puissantes personnalités créatrices et critiques ne sont jamais, ne peuvent jamais être dégagées de l’atmosphère de leur temps. Elles sont toujours une oreille de Denys, où viennent se répercuter tous les grondements de leur génération, un avertisseur ultrasensible où s’inscrivent les plus secrets mouvements qui remuent le monde qui les entoure. Et plus le fleuve de leur pensée est abondant, plus on y voit ou se mêler ou se heurter les courants souvent contraires et du passé et de l’avenir. Ils sont un miroir de leur siècle.

C’est à ce titre que Lénine a étudié, par deux ou trois fois[10], en des pages pénétrantes, Léon Tolstoy :

« Léon Tolstoy, miroir de la Révolution russe » (1908).

« ... Il peut sembler, à première vue, étrange et artificiel, écrit Lénine, d’accoler le nom de Tolstoy à celui de la Révolution, dont il s’est avec évidence détourné... Mais notre Révolution (de 1905) était un phénomène extrêmement compliqué : dans la masse de ses participants et de ses réalisateurs, il y avait beaucoup d’éléments sociaux qui ne comprenaient pas non plus ce qui se passait, et qui se détournaient aussi des vraies tâches historiques, posées par le développement des événements... En ce sens, les contradictions dans les idées de Tolstoy sont un véritable miroir des conditions contradictoires dans lesquelles se trouvait placée l’activité historique de la paysannerie pendant notre Révolution... L’originalité de Tolstoy est que ses idées, dans leur ensemble, expriment justement les particularités de notre Révolution, en tant que Révolution bourgeoise paysanne[11]... D’un côté, une critique impitoyable de l’exploitation capitaliste, la dénonciation des violences de l’État, de la comédie des tribunaux, la lumière projetée sur le contraste violent entre l’accroissement des richesses, les conquêtes de la civilisation, et l’accroissement de la misère, de la sauvagerie et des tourments des masses travailleuses ; d’un autre côté, la prédication de « saint idiot » pour la non-résistance au mal par la violence... Tolstoy a reflété la haine née des souffrances, le désir mûri d’un meilleur avenir, le désir de se libérer du passéet la non-maturité des rêvasseries, du manque d’éducation politique, de la mollesse de désir révolutionnaire. Les conditions historico-économiques expliquent et le surgissement nécessaire de la lutte des masses révolutionnaires, et leur manque de préparation pour cette lutte, leur non-résistance tolstoyenne au mal, qui fut la plus sérieuse des causes de la défaite de la première campagne révolutionnaire... » Ce jugement de Lénine, qui s’applique à un grand artiste et à une époque déterminée, peut être vérifié pour d’autres maîtres de l’esprit et pour d’autres époques — spécialement pour les époques pré-révolutionnaires, comme notre xviiie siècle français. C’est justement ce que vient de faire, (certes sans se douter qu’il corroborait la pensée de Lénine), le professeur à la Sorbonne Daniel Mornet, dans ses recherches de trente années sur les Origines intellectuelles de la Révolution française[12]. Elles démontrent que, pas plus que Tolstoy, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Diderot et les Encyclopédistes, n’avaient bien compris ce qui allait venir et que pourtant ils annonçaient. Ils n’étaient, comme Tolstoy, que des « miroirs », qui s’ignoraient, de tout le travail contradictoire, qui s’opérait dans l’esprit de leur époque, et des courants qui s’y entrechoquaient. « S’ils n’avaient pas existé, il semble bien, écrit D. Mornet, que les mouvements de l’opinion, moins intenses seulement, moins enthousiastesn’auraient pas été très différents. » Ils n’ont fait que les traduire (non sans erreurs ou à-peu-près), mais sous une forme plus frappante, grâce à la force de raison et d’éloquence qu’ils devaient à leur maîtrise en quelque sorte professionnelle d’écrivains habitués à s’observer eux-mêmes dans le « miroir ». En se voyant, ils voyaient les hommes de leur temps, et ils suivaient avec eux, confusément, la pente sur laquelle tout le xviiie siècle était entraîné. Mais ils étaient loin de se douter où cette pente les menait ; et s’ils l’avaient aperçu, il est probable que tous (à l’exception peut-être de Diderot l’aventureux) se seraient rejetés en arrière. Le xviiie siècle français n’avait pas, pour le guider à la Révolution, une seule conscience qui, à l’avance, clairement vît et voulût l’étape prochaine, où s’acheminait fatalement tout le développement de l’histoire, comme le vit et le voulut celle de Lénine[13].

Pour l’historien de la littérature, l’intérêt serait précisément de discerner ce qui, dans les Rousseau, les Diderot et les Voltaire, dans tous les grands artistes précurseurs, les dépasse, ce qui en eux appartient, sans qu’ils s’en doutent, aux temps qui vont venir et que, s’ils les eussent prévus, ils auraient désavoué. C’est le travail que Lénine, avec sa brusque et lucide franchise, a esquissé pour un écrivain qu’il aimait entre tous, en exposant comment Léon Tolstoy a génialement dénoncé les mensonges et les forfaits de l’état social, dont sa critique est, à elle seule, un appel à la Révolution — mais comment, en face de l’action révolutionnaire, qui en était pourtant la conséquence nécessaire, il se cabre, avec frayeur, avec colère, et il dit : « Non ! », se réfugiant dans un mysticisme de « l’immobilité orientale », qui veut arrêter la marche du soleil, en la niant[14].

Cette inconséquente abdication d’un grand cœur se retrouve à des degrés inférieurs, avec infiniment moins de sincérité contradictoire et de puissance passionnée chez l’immense majorité des artistes, en qui résonnent plus intensément que chez les autres hommes les vibrations des événements, mais qui, comme épuisés par l’état de transe où ils les reçoivent, se dérobent à leurs conséquences et passent, neuf fois sur dix, à la réaction. Ils ont bien vu le fossé, le gouffre, qu’il faut sauter. Mais de cette vue ils ont le vertige, et leurs jarrets sont coupés. Pour rétablir leur fragile équilibre ébranlé, ils se replient en arrière, en dehors du flot qui emporte l’époque, dans « l’ordre moral », l’ordre bourgeois qui les rassure contre ce qu’ils ont vu et ne veulent pas voir, — dans la convention, la vie figée.

Et c’est ici que l’intelligence d’un maître de l’action, comme Lénine, s’oppose radicalement à la leur. Par sa logique exceptionnelle, qui de sa pensée et de son action ne faisait qu’un — non pas un bloc, au sens pétrifié et inhumain, mais une coulée de vie, qui s’identifiait avec la vie même de l’époque en marche et avec ses lois élémentaires.

Nul, mieux que Staline, dans ses Souvenirs sur Lénine[15], n’a mis en lumière ce trait par lequel Lénine se distinguait, même de la plupart des théoriciens et chefs de partis révolutionnaires : — sa communion perpétuelle avec les forces élémentaires qui se manifestent dans les masses ; il ne cessait jamais de se tenir en contact avec elles, et rien ne pouvait lui faire perdre sa robuste confiance en leurs puissances créatrices. Staline cite ce mot frappant, dit par Lénine dans un entretien, où un camarade, qui se méfiait du « chaos de la Révolution », déclarait qu’ « après la Révolution, doit s’établir l’ordre normal ». Lénine, sarcastiquement, lui rétorqua :

— « C’est malheureux, quand les hommes qui prétendent être des révolutionnaires oublient que l’ordre le plus normal dans l’histoire est l’ordre de la Révolution[16]. »

Et Staline ajoute :

— « Cette foi en les forces créatrices élémentaires, qui était la caractéristique de l’activité de Lénine, lui a donné le pouvoir de posséder le sens de l’élément et d’en diriger le flot dans le lit de la Révolution prolétarienne. »

C’est le plus haut don de l’homme d’action. Et c’est aussi l’objectif de l’homme de science : pénétrer jusqu’en l’essence l’élément, ses forces secrètes, ses lois et ses courants, afin de les gouverner.

Que ce soit également la règle suprême de l’art ! Si la plupart des artistes sont trop débiles pour l’accepter, les plus grands l’ont toujours, d’instinct, pratiquée. Et l’un des souverains de la peinture de tous les temps, Léonard de Vinci, en a fait sa devise :

« Transmutarsi nella propria mente di natura. » (S’assimiler avec les forces de la nature. Se transmuter en son esprit.)

Ainsi, les grands artistes, les Léonard et les Tolstoy, épousent les formes vivantes de la nature. Ainsi, les maîtres de l’action, les Lénine, épousent les lois de la vie sociale et son rythme, l’élan vital qui lance et qui soutient la montée perpétuelle de l’humanité.

 

Romain Rolland

Janvier 1934.

 

 

 

 

 


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Texte établi par la Bibliothèque russe et slave ; déposé sur le site de la Bibliothèque le 14 janvier 2015.

 

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Les textes ont été relus et corrigés avec la plus grande attention, en tenant compte de l’orthographe de l’époque. Il est toutefois possible que des erreurs ou coquilles nous aient échappé. N’hésitez pas à nous les signaler.



[1] Publiciste et critique russe de la seconde moitié du xixe siècle.

[2] Cité par Guirinis : « La personnalité de Ilitch d’après ses œuvres », 1927, édit. Moskowsky Rabotchy, Moscou-Léningrad.

[3] — « Radtchenko, écrit Nadejda Kroupskaïa, m’avait raconté : « Vladimir Ilitch ne fait que des lectures sérieuses, de sa vie il n’a lu un roman... » J’appris plus lard que c’était une légende. Vladimir Ilitch non seulement avait lu, mais souvent relu Tourgueniev et Léon Tolstoy... Il connaissait à fond et aimait les classiques... »

(Ma vie avec Lénine.)

[4] « ...Il y avait sur sa table un volume de Guerre et Paix.

— « Oui, Tolstoy... J’ai eu envie de relire la scène de la chasse... »

« Souriant, les yeux mi-clos, il s’allongea dans le fauteuil avec délice, et, baissant la voix, il continua rapidement :

— « Quel bloc, hein ? Quel homme entier ! Celui-là, mon cher, est un artiste ! Et savez-vous ce qui m’étonne encore en lui ? Sa voix de moujik, sa pensée de moujik : il y a vraiment en lui du moujik. Avant ce comte, il n’y a pas eu, dans la littérature, de véritable moujik. Non, il n’y en a pas eu ! »

« Il me regarda de ses petits yeux d’Asiatique, et me demanda :

— « Qui en Europe peut-on mettre à côté de lui ? »

Il se répondit à lui-même :

— « Personne. »

Et se frottant les mains, il rit avec satisfaction, en clignant les yeux, comme un chat au soleil. »

(Maxime Gorki : Lénine, 1924.)

[5] Discours à une séance de la fraction du Syndicat des Métallurgistes, 1922, cité par Guirinis.

[6] « Je ne connais rien de plus beau que l’Appassionata, je pourrais l’entendre tous les jours. Musique surhumaine... Je me dis toujours, avec un orgueil peut-être naïf, peut-être puéril :Voilà donc quelles merveilles peuvent créer les hommes ! »

(Gorki : ibid.)

[7] « Fermant à demi les yeux, il ajouta, avec un sourire mélancolique : — « Mais je ne puis entendre souvent la musique, elle agit sur mes nerfs, j’ai envie de dire des bêtises et de caresser les hommes qui, vivant dans un enfer malpropre, peuvent créer tant de beauté. Or, aujourd’hui, on ne peut caresser personne, on vous dévorerait la main ; il faut taper sur les têtes, taper impitoyablement, bien que dans l’idéal, nous soyons opposés à toute violence... Hum ! Hum ! quel métier infernalement difficile ! »

(Gorki : ibid.)

[8] Troupes des automobiles blindés.

[9] John Reed : « Dix jours qui ébranlèrent le monde. »

[10] En 1908, pour le quatre-vingtième anniversaire de Léon Tolstoy. En 1910 et en 1911, après sa mort.

[11] Dans un autre de ses articles sur Tolstoy, Lénine précise : — « La Tolstovschina (l’idéologie tolstoyenne) correspond à la période de 1861 à 1904, quand l’ancien monde (fondé sur le droit de servage) croulait sans possibilité de retour, et quand le nouveau ne faisait que « se tasser », (comme dit Tolstoy dans Anna Karénine) — c’est-à-dire, chercher sa forme, en tâtonnant. (Tolstoy et son époque, janvier 1911).

[12] Armand Colin, Paris, 1933. Ce livre capital, qui réforme les données fausses des livres de Taine sur les Origines de la France contemporaine, en démontrant la superficialité de ses recherches, toujours guidées par le parti-pris, est un examen approfondi de toute la période intellectuelle qui va de 1715 à 1787.

[13] Il est frappant que Daniel Mornet, nullement sympathique aux idées de la Révolution, mais qui s’astreint à la rigoureuse objectivité scientifique, fait cette constatation, inattendue chez lui : — « Un Lénine et un Trotsky ont voulu une certaine Révolution ; ils l’ont préparée, puis accomplie, puis dirigée. Rien de pareil en France... »

[14] « Il n’existe pas de loi générale d’un mouvement de l’humanité en avant, (déclarait Tolstoy), comme nous le prouvent les peuples immobiles de l’Orient. » « Et justement, remarque Lénine, l’année 1905, où la première Révolution russe était désavouée par Tolstoy, fut le commencement de la fin de l’immobilité orientale. Les événements de Russie furent suivis d’événements analogues dans une série de pays d’Orient. »

(Tolstoy et son époque, janvier 1911.)

[15] « L’organisateur et le chef de la R. K. P. (Rossiiskaya Komounisticheskaya Partia) », causerie faite, en 1924, à une réunion des « Coursants » (élèves d’une école militaire), au Kremlin. Éditions d’État, Léningrad, 1925.

[16] La pensée de Lénine se rencontre ici, sans le savoir, avec celle de Schopenhauer :

— « Oui, si la vie n’est pas un contre-sens et une déchéance, la Révolution est tout, enveloppe tout, et elle peut devenir une grande métaphysique. »

(Entretien avec Frédéric Morin, en mars 1858, publié dans la Revue de Paris, en 1864.)